L’isolation écologique des bâtiments est en passe de connaître une mutation au Québec et au Canada, avec la structuration d'une filière de chanvre comme matériau isolant. Récemment, l’entreprise canadienne Nature Fibres est devenue la première d'Amérique du Nord à obtenir une certification clé pour ses produits d’isolation à base de chanvre, validant leur conformité aux normes de performance et de sécurité. Ce développement marque un tournant dans un marché où les isolants traditionnels sont de plus en plus remis en question pour leurs impacts environnementaux et sanitaires.
Des isolants traditionnels problématiques
Les matériaux isolants conventionnels comme la laine de verre, la laine de roche, ou les isolants synthétiques (polystyrène, polyuréthane) continuent d’être largement utilisés, mais leur impact écologique est de plus en plus décrié du fait d'un impact environnemental élevé.
A titre d’exemple, la fabrication de laine de verre consomme entre 6 à 7 kWh d’énergie pour chaque kilogramme produit, lui conférant une empreinte carbone importante.
La fin du cycle de vie de ces matériaux pose également problème : les isolants synthétiques dérivés du pétrole, comme le polystyrène expansé, sont difficiles à recycler, non-biodégradables, et parfois toxiques pour l'environnement. Ils contribuent à la prolifération de déchets non réutilisables, aggravant ainsi la crise des déchets.
Pour rappel, le Québec génère chaque année environ 400 000 tonnes de déchets de construction, dont une grande partie est composée de matériaux non recyclables.
Les risques sanitaires ne sont pas en reste. Les fibres de laine minérale, comme la laine de verre, peuvent provoquer des irritations cutanées et respiratoires, tandis que certains isolants synthétiques libèrent des composés organiques volatils (COV), qui polluent l’air intérieur des habitations. Le polystyrène, en cas d'incendie, libère des fumées ultratoxiques particulièrement dangereuses pour la santé des occupants et des pompiers.
La certification du chanvre : un tournant pour l’isolation écologique
L’obtention d’une certification pour les produits d’une entreprise québecoise en mai dernier est une étape importante vers la démocratisation du chanvre comme isolant au Québec et au Canada.
Ce matériau est réputé pour sa capacité à capturer le CO₂ au cours de sa croissance — environ 1,6 tonne de CO₂ par hectare — réduisant ainsi l’empreinte carbone des bâtiments qui l’utilisent. En plus d’être un capteur de carbone naturel, le chanvre est peu gourmand en eau et ne nécessite aucun pesticide, faisant de lui un matériau particulièrement respectueux de l’environnement.
Avec cette certification, le marché de l’isolation au chanvre devrait croître de manière significative, en particulier dans un contexte où les réglementations exigent des solutions de construction plus écologiques. Cela ouvre la voie à son utilisation dans des projets résidentiels et commerciaux, tout en favorisant la création d’une chaîne d’approvisionnement locale, soutenue par une production de chanvre en plein essor, ayant augmenté de 30 % ces dernières années au Canada.
Quelle place pour le chanvre dans l’isolation écologique ?
Le chanvre doit néanmoins faire face à une forte concurrence avec des matériaux déjà bien établis comme la laine de mouton, la cellulose, et la fibre de bois. Ces isolants bénéficient d’une chaîne d'approvisionnement mature et de coûts de production plus bas, ce qui leur confère un avantage sur le marché. Sur le plan technique, chacun de ces matériaux présente ses propres atouts : la laine de mouton, par exemple, est connue pour sa capacité à réguler l’humidité ; la cellulose est un matériau bon marché et facile à installer ; tandis que la fibre de bois offre d’excellentes performances thermiques.
Le chanvre, en revanche, est encore relativement méconnu et son adoption à grande échelle reste limitée. Plusieurs défis doivent être surmontés pour qu'il devienne un acteur majeur dans le secteur de l'isolation écologique. Le coût de production du chanvre est actuellement plus élevé que celui de ses concurrents, en partie en raison d'une chaîne d'approvisionnement moins développée. Le coût du chanvre peut varier de 25 à 30 % plus cher que les isolants synthétiques traditionnels. Sa mise en œuvre peut également nécessiter des compétences techniques spécifiques, rendant son installation plus complexe pour les professionnels du bâtiment non formés à son utilisation.
Cependant, le chanvre présente des atouts distincts. En plus de ses qualités thermiques compétitives (avec un coefficient de résistance thermique de R 3.7 par pouce), il est biodégradable et ne libère aucun composé organique volatil (COV), ce qui en fait un choix plus sain pour l'air intérieur des bâtiments.
Avec une certification en poche et une prise de conscience environnementale en hausse, le chanvre pourrait bien trouver sa place comme isolant de choix pour les années à venir.
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