Déforestation, érosion des sols, destruction des écosystèmes liée à l’usage des pesticides… Le monde agricole, transformé par les techniques de production « intensive » est souvent pointé du doigt pour son impact environnemental majeur. Toutefois, selon un article publié dans Nature, il se pourrait qu’il recèle un potentiel de captation du carbone transformant le secteur en contributeur net à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, grâce à de nouvelles pratiques qui accroitraient également les rendements : une double promesse qui pourrait réconcilier intérêts agricoles et lutte contre les changements climatiques.
L’AGRICULTURE, UNE SOURCE MAJEURE DE CARBONE
Aujourd’hui, l’agriculture est responsable d’une part significative des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Environ 13,7 milliards de tonnes de CO2 ou de gaz à effet de serre équivalents sont émises chaque année par les processus agricoles, contribuant à presque un quart des émissions globales.
Une grande partie de ces émissions sont dues à des pratiques intensives qui, depuis des siècles, dégradent les sols en libérant le carbone stocké.
Depuis les débuts de l’agriculture il y a 12 000 ans, on estime que ce ne sont pas moins de 133 milliards de tonnes de carbone -soit 8 % du total naturellement stocké dans les sols- qui ont été relâchées.
Cependant, certains experts soulignent que les champs agricoles ont aussi le potentiel de constituer un « puit de carbone » majeur à l’échelle mondiale.
En modifiant les pratiques agricoles pour favoriser la séquestration du carbone dans les sols, il est ainsi possible de renverser cette perte historique à travers des méthodes relativement faciles à mettre en place.
SÉQUESTRATION DU CARBONE : DES SOLUTIONS SIMPLES MAIS EFFICACES
Une des techniques les plus prometteuses pour stocker du carbone dans les sols est la réduction, voire l’élimination, du labour.
Cette pratique millénaire, qui consiste à retourner à retourner la couche superficielle du sol à l’aide d’outils comme la charrue, sert plusieurs objectifs : elle aide à enfouir les résidus de culture, à mélanger les couches de sol, à contrôler les mauvaises herbes, et à préparer le terrain pour de nouvelles plantations.
Très utilisée pour pratiquer la culture intensive, cette technique contribue à l’érosion des sols et la libération du carbone naturellement stocké dans le sol. En pratiquant l’agriculture sans labour, on limite cette libération de carbone, tout en favorisant leur régénération.
Toujours selon l’article de Nature, cette méthode pourrait contribuer à la capture de plusieurs gigatonnes de CO2 par an, soit l’équivalent des émissions de l’Union européenne en 2022.
En parallèle, l’utilisation de cultures de couverture, qui consistent à laisser pousser des plantes entre les cultures principales, permet d’améliorer la rétention du carbone tout en protégeant les sols contre l’érosion.
Une étude menée dans des vignobles australiens a ainsi montré que cette technique augmentait de 23 % la quantité de carbone organique dans les sols sur une période de cinq ans.
UN AVENIR OÙ L’AGRICULTURE DEVIENT UN PUITS DE CARBONE ?
Les scientifiques s’accordent à dire que si l’on adopte massivement ces pratiques de séquestration du carbone, l’agriculture pourrait contribuer de manière significative à l’atteinte des objectifs de neutralité carbone.
Le rapport du GIEC estime que le potentiel de capture de carbone par l’agriculture pourrait atteindre 3,5 gigatonnes de CO2 par an.
L’adoption de ces pratiques n’est toutefois pas un combat gagné d’avance. L’agriculture moderne intensive favorise le labour pour pouvoir replanter toujours plus rapidement, sur des terres bien souvent vidées de leurs nutriments mais enrichies artificiellement par des engrais et fertilisants chimiques.
C’est tout un système socio-économique, culturel et technologique qui doit être transformé pour accélérer l’adoption de ces pratiques à grande échelle, transformation qui ne se fera sans doute pas sans une volonté politique forte et des mesures publiques incitatives majeures.
Comments